A Doll Like Me : des poupées personnalisées qui ressemblent aux enfants malades

Square

Vous avez déjà vu les poupées classiques, une grande majorité à la peau parfaite, à la plastique avantageuse et à la taille de guêpes. Imaginez maintenant que vous fassiez partie de ces personnes différentes, qui ne rentrent pas dans le politiquement correct d’un catalogue de mode, et vous aurez une idée de ce que peux ressentir un enfant.

A un âge où on se construit et en quête de repères, les enfants déjà abîmés par la vie, handicapés physiquement ou mentalement ne trouvent pas leur alter ego dans les jouet classiques.

Une ancienne assistante sociale américaine, Amy Jandrisevits, s’est lancée dans une épopée tendre et empathique : réaliser des poupées personnalisées qui ressemblent traits pour traits aux enfants.

A Doll Like Me : des poupées calquées sur leurs enfants avec leur différence et leur handicap

Un grand carton brun arrive en provenance de New Berlin, dans le Wisconsin. La boite est adressée à un enfant qui revient tout juste d’un séjour à l’hôpital, ou qui s’arrête entre 2 visites régulières chez le docteur. Cet enfant ne sait absolument pas qui a envoyé le paquet mais, en l’ouvrant, il reconnaît tout de suite ce qui s’y trouve : une poupée à son image.

Le poupon peut ainsi être réalisé avec un membre manquant, avoir un visage déformé par un accident de voiture, faire apparaître une couleur de peau avec des traces d’une affection cutanée ou encore posséder une prothèse de la jambe. Qu’importe – et on s’en fout – puisque la poupée n’a qu’un but : ressembler au plus près à l’enfant qui la découvrira.

Ainsi, Amy propose une marionnette fait main à chaque fois différente, mais immédiatement enlacée et aimée par l’enfant qui la reçoit.

Je fabrique des poupées pour des enfants qui ne se verront jamais sur une étagère de magasin.

J’en ai les larmes qui montent quand je vois ce genre de scène, absolument naturelle, innocente et tellement dénuée de subterfuges. L’acceptation de soit à travers l’autre dans un moment d’une pureté incroyable.

Le culte du corps parfait et de la similarité réduits à néant grâce à une poupée

Le pouvoir de cette poupée est bien supérieur à ce qu’on pourrait penser.

A l’image des histoires qui guérissent car faisant entrer en résonance le conte et l’histoire de l’enfant, ce poupon a le pouvoir de changer les choses pour l’enfant qui le reçoit.

Tout d’abord, il va lui montrer que sa différence n’est pas unique, car une poupée a la même différence. En plus d’être un pont entre les deux, cette similarité sort l’enfant de son retrait et le remet sur le devant de la vie. Et le monde change.

A Doll Like Me donne aux enfants ce regain de confiance dont ils ont tant besoin.

C’est également une superbe démonstration que la différence est le seul vrai culte autorisé pour aimer les autres. L’originalité de ces enfants, même si elle est parfois arrivée violemment, ne cesse de les tourmenter à mesure qu’ils grandissent et qu’ils voient les autres – et les modèles issus de la société – être leurs opposés. Trouver une poupée à leur effigie les rassure et les réconforte, cela contribue également leur besoin d’amour et d’inclusion.

Enfin, ce projet A doll like me (une poupée comme moi) est aussi une ode à la différence, mais également à l’inclusion et la représentation des personnes différentes.

A Doll Like Me : des poupées cousues avec amour dans son salon

Depuis sa plus tendre enfance, Amy Jandrisevits aime et collectionne avidement les poupées. C’est à l’université qu’elle révélera réellement son envie de don aux autres. Bénévole dans un centre de traitement du Sida ou dans des refuges locaux pour sans-abris, la jeune femme se dévoue pour les autres.

Elle sort de l’université pour être assistante sociale auprès d’enfants dans un centre d’oncologie. C’est à ce moment-là qu’elle met en place des poupées dans le cadre d’une thérapie par le jeu. L’idée est d’utiliser une marionnette pour copier des situations issues de la vie réelle et faire réfléchir l’enfant ou le pousser au dialogue. Pourtant, Amy se rend rapidement compte que les poupées ne sont pas adaptées aux enfants, ce qui freine l’effet miroir et donc la finalité du travail thérapeutique.

Elle ruminera cette problématique pendant plusieurs années tout en s’occupant de ses 3 enfants, jusqu’au jour où elle fabriquera sa première poupée pour un enfant transgenre. Sa première poupée fait des émules sur la toile.

A doll like me était né sur Facebook et Instagram notamment.

Amy essaye depuis ce jour de veiller à ce qu’aucun enfant ne se sente plus jamais différent.

Ce que j’y apporte, c’est ma propre connaissance des enfants et, en fait, des compétences très pratiques en matière de couture.

L’héroïne sans cape explique son concept avec tendresse et bienveillance :

C’est très difficile de dire à un enfant : « Tu es parfait comme tu es », de lui donner de l’estime de soi, mais de ne jamais lui offrir quelque chose qui lui ressemble.

Nous allons changer l’histoire.

Et je lui souhaite d’y arriver.

Une association à but non lucratif

La maman gère son association à but non lucratif directement depuis chez elle. Sa table à manger s’avère être son bureau de travail, son espace de couture et son espace de stockage.

Elle apprécie cette activité gratifiante car elle combine ses deux amours : son addiction pour les poupées et son amour du travail social.

En 4 ans, elle fabrique à la main des poupées uniques pour les enfants handicapés – avec plus de 350 poupées au total ! Chaque poupon reflète les différences de membres, les cicatrices chirurgicales et les affections pédiatriques des enfants de part le le monde.

Elle lance une campagne de financement participatif sur GoFundMe afin de l’aider à financer les matériaux nécessaires pour fabriquer d’autres poupons.

Et bien lui en a pris puisque, grâce à la plateforme de crowfunding, son projet récolte un écho énorme dans le monde entier avec des millions de vues.

Le degré d’exposition était certainement inattendu mais j’y ai vu une opportunité de changer le récit pour ces enfants.

Dans certains cas, c’est la première fois que les gens vont apprendre à connaître certaines de ces conditions. Et le récit devient alors la façon dont ces enfants méritent une place à la table – pas obligatoire, et pas d’une manière condescendante.

Il y a aussi l’aspect individuel, comment ces enfants se voient dans le visage d’une poupée, et c’est comme cela qu’il faut faire.

Mais Amy reste pragmatique et toujours tournée vers les autres. Si elle espère que cet impact médiatique lui permette de réaliser d’avantages de poupées fait main (les demandes ayant explosées), la couturière reçoit de nombreux encouragements des autres et des parrains de poupées – et quel moteur plus motivant que les autres ?

D’ailleurs, elle espère pouvoir offrir des poupées, elle en est maintenant à plus de 43k poupons réalisés et une liste d’attente qui s’étend sur 2 ans !

Aucune famille ne devrait avoir à payer pour cela. C’est quelque chose qui devrait venir de la communauté.

Malgré son succès, elle continue inlassablement de fabriquer avec amour chacun de ses poupées.

Je suis invitée dans une partie si intime de la vie des familles. J’aime cette connexion.

Le genre de maman qui nous donnent envie de sauver le monde non ? Comme le résume Judi Bloom Dupuis :

C’est la vraie compassion.